Si le but de l’article
qui suit est de déclamer mon amour à « kids see ghost » l’EP collaboratif de Kanye West et Kid
Cudi, mini album qui a reveillé en moi une
passion que je croyais avoir perdu avec l’age, il me faut tout d’abord donner un contexte dans lequel replanter cette œuvre majeure.
Peu après l’arrivée de
Trump à la présidence, Kanye a posé avec lui et lui a témoigné son admiration.
Ça a choqué bien du monde, car même si comme Tony Montana, Donald Trump fait
mouiller les petits rappeurs depuis plus de vingt ans, depuis sa campagne
présidentielle il a été voué aux gémonies par les démocrates et donc par
extension par les noirs américains. Affinité étonnante ? Pas vraimentn ces deux trolls, des
narcissistes un rien timbrés et grands agitateurs ont beaucoup en commun.
Kanye s’est pris un retour de manivelle médiatique dans les dents, et a disparu pendant un
an pour prendre soin de sa santé mentale.
Récemment le rappeur a
refait surface, et a promis de sortir cinq minis albums en autant de semaines
et immédiatement après il a posé portant la fameuse casquette rouge « Make
America Great Again ». Pour enfoncer le clou il a fait toute une série de
déclarations extravagantes : après 400 ans d’esclavage, garder une
mentalité d’esclave semble être un choix, « Trump c’est mon frère »[1],
« on a la même énergie du dragon » et pour terminer il a déclaré
aimer la manière dont Candace Owen[2]
pense.
Ce fut un joli coup de
pub, qui finalement c’est retourné contre l’artiste. Pas nécessairement au
niveau des fans mais de l’ambiance générale autour des sorties des EP et leur
réception par les médias à tendance culturels, naturellement progressiste et particulièrement
intolérant avec quiconque brise le rang au niveau des vaches sacré du
moment : féminisme / cause LGBT / black lives matter / Trump est
l’antéchrist. Par exemple il en a prit pour son grade régulièrement sur le site
de référence pitchfork.com, à travers des tacles et des attaques sournoises pas
nécessairement sur la musique mais sur ses intentions, ses paroles, la gestion
de son business. Il a été déchu de sa carte de « noir », de sa carte
« street » et tous ses délires tolérés jusqu’ici sont devenu
maintenant intolérables.
Et la musique dans tout
ça ?
Même si la série d’EP
produite par Kanye West est inégale dans le détail, globalement il s’est montré
en grande forme.
Première semaine avec la
sortie de Daytona de Pusha-T ça a tapé très fort, tellement qu’on ne pouvait qu’être
déçu pour la suite. 7 titres pas une once de gras, des productions efficaces,
relativement minimalistes, et Pusha en forme comme jamais. L’Ep se terminait
pas une diss track contre Drake et Lil Wayne, qui était en fait une provocation
pour ce rappeur canadien qui avait pris un tel plaisir à humilier Meek Mill
pendant des semaines durant l’été 2015. Drake a mordu à l’hameçon avec son
« duppy Freestyle », et là le ciel lui est tombé sur la tête avec « the
story of Adidon » la
meilleure et la plus violente diss track depuis « Take over » de Jay
Z (avec laquelle ce dernier a enterré vivant Nas) en 2001.
Le second EP, celui de
Kanye, nommé « Ye » fut un peu léger. Deux bonnes chansons, une
exceptionnelle : Ghost Town, une collaboration avec Kid Cudi et 70 shake une artiste récemment signée sur GOOD music (le label monté par Kanye West, et maintenant dirigé par Pusha-T)qui aurait tout a fait trouvé sa place dans l'EP suivant. C’est beau, émouvant, à fleur de peau.
Kanye aborde franchement
ses démons, souvent de manière vulgaire. Assumant ses failles, il fanfaronne et
laisse ses invités s’aventurer audelà de la façade pour connecter avec la
souffrance cachée derrière les postures. Du hip hop qui apprend à être
sensible.
Beaucoup attendaient que
Kanye explique ses déclarations choquantes, et lui leur a fait un pied de
nez : je suis bipolaire et je fais ce qui me passe par la tête. J’ai eu
votre attention, ça me suffira comme ça. Personnellement ses déclarations
n’avaient pas besoin d’explication de texte, ou de correctif.
Troisième EP : Kid
Cudi & Kanye West : Kids see ghosts
En deux albums
remarquables ( man on the moon 1 et 2 respectivement en 2009 et 20010) Kid Cudi
s’est creusé une petite niche sur mesure : le rapeur accessible, rêveur
avec une sensibilité à fleur de peau un peu rock/grunge sur les bords, accro à
la mary jane il est toujours à fluctuer entre montées enthousiastes et descentes
paranoïaques.
Après ces deux albums l’artiste, libéré de ses obligations
contractuelle avec GOOD music c’est quelque peu fourvoyé en accumulant des projets de
plus en plus foireux et indulgents (tout ça culminant avec la catastrophe
nommée « Speedin Bullet 2 Heaven » ). On le croyait perdu puis il a sorti
Passion, Pain & Demon Slayin' un album perçu par beaucoup comme en deça des deux premiers mais un pas
de géant dans la bonne direction (personnellement je le trouve plus homogène et le préfère aux deux "man on the moon"). Une lueur d’espoir ? A peine l’album
sorti que l’artiste, lui, rentrait en hôpital psychiatrique pour se soigner de
sa dépression et de ses pensées suicidaires.
Deux ans après le voilà
de retour pour un projet en duo avec Kanye West. Kid cudi avait déjà été invité
sur des albums de Kanye et ce dernier lui avait rendu la pareille, généralement avec de
très bons résultats, et on peut dire que dans « Kids see Ghosts » ,
malgré leurs petites chamailleries sur la place publique, l’alchimie est
toujours bien présente.
Les deux artistes se complètent bien. Le format de 7
titres imposé par Kany est parfait pour Kid Cudi qui a tendance à se perdre
dans des albums à rallonges avec une proportion de titre dispensable très loin d’être
négligeables. 7 titres qui vont à l’essentiel, des écrins parfait où les deux rappeurs
vont pouvoir alterner leurs couplets. Les instrumentales, sont simples,
mélodiques et dépourvues de ces sons tonitruants qui peuvent des fois rendre
les titre de Kanye un brin fatigant, elles sont le terrain de jeu révé pour que
les deux puissent complètement se lâcher.
En écoutant la première
contribution vocale de Kanye sur l’EP, pas un rap, pas un chant, plutôt un
scatt ou pour être honnête une série de cris lancés de manière rythmique et
joueuse, on comprend qu’ils sont là pour se donner sans retenue. Il y a un joyeux
abandon dans « Kids see Ghosts », les couplets se répondent les uns
aux autres, les deux artistes se font face et se commentent, se questionnent et
se répondent. La générosité du duo se manifeste de manière très visible au
niveau de leurs paroles, où ils se montrent souvent très vulnérables.
Émotionnellement, pour moi, ça sonne très juste. Aux mélodies des pistes instrumentales
répondent celle des voix des deux artistes et de leurs quelques invités (Pusha-T
(mal employé) Ty Dollar Sign (non crédité) et Mos Def (tout simplement parfait),
il y a pas mal de passages chantés ou harmonisés.
Cet Ep se termine par un
combo magique, le titre éponyme avec un featuring de Mos Def et Cudi Montage,
tournant autour d’un sample de Curt Cobain. C’est émouvant, d’un grande
tristesse mais aussi avec un sentiment de paix intérieure qui rend l’expérience
presque douce.
Les deux derniers EP
Nasir, le mini album de
Nas ne m’a pas vraiment intéressé, avant l’écoute, pendant comme après. En
dehors de quelques titres comme (If i ruled the world, Made you look ) Nas a
toujours été caractérisé par une sensibilité assez old school pour le choix de
ses beats et une certaine difficulté à s’adapter aux nouveaux sons et aux
nouvelles tendances. Un mini album avec Kanye qui a le chic pour faire
cooexister le passé avec le présent, les samples de classiques ensevelis avec
ce qu’il faut de textures modernes, ça semblait être une idée parfaite. Après l’écoute
de cet EP, celui qui présente, en ce qui me concerne les beats les plus faibles
des 5, j’ai bien l’impression qu’on a des différences esthétiques irréconciliables.
Le flow est ok, mais pour ce que j’ai compris des paroles c’est vraiment pas ma
tasse de thé.
Pour terminer la série,
après 4 EP de Rap Teyana Taylor, nous en offre un Néo-Soul RnB très agréable
dans son genre, bien produit, parfaitement chanté. Présente sur la
scène musicale depuis 2012 Teyana a une bonne voix mais celle-ci se retrouve éclipsée
par la plastique parfaite de son corps. Elle est en fait plus connue
du grand public pour la vidéo du titre « Fade » de Kanye West et pour
son émission de télé-réalité avec son mari le basketteur que pour ses performances
derrière le micro.
Même pour la couverture
de l’EP elle est réduite à jouer un rôle de potiche hypersexualisée. Le monde
de la musique noire américaine est assez dur pour les femmes, il y a de la
place pour 10 000 rappeurs, mais pour les chanteuse le public peine à
pouvoir diriger son attention ailleurs que les reines (Beyonce, Rihanna, …), le
reste c’est juste une collection de barbies chaudes, colorées et interchangeables.
Cet EP est plaisant,
mais il n’a pour moi rien de bien mémorable, surtout en arrivant à la fin du
cycle. Il lave bien le palais après Nasir, mais alors que Kids See Ghost
continue de m’éblouir, j’ai du mal à lui donner tout l’investissement qu’il
mérite.
Bonus : bouclons la
boucle avec un titre mortel de Pusha-T, une autre diss track contre Drake, lil
wayne et le reste du label Cash Money
[1] You don't have to agree
with trump but the mob can't make me not love him. We are both dragon energy.
He is my brother. I love everyone. I don't agree with everything anyone does.
That's what makes us individuals. And we have the right to independent thought.
[2] Candace Owen une jeune républicaine qui urge les gens
noirs comme elle à sortir de leur victimisation et de prendre leur destin
personnel en main (et pourquoi pas basculer comme elle du côté obscur de la
force, de l’autre côté de l’échiquier politique dans lequel ils sont confinés
depuis plus de 40 ans. D’un point de vue stratégique ça fait sens, ne serait-ce
que, comme le faisait remarquer Scott Adams, un vote garanti, c’est un vote qui
n’est pas à séduire et donc pas à écouter. )
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