Nostalgie quand tu nous tiens…
Avant d’être un adolescent durant les années 90 j’ai été un
enfant durant les 80. Enfance, age de l’innocence et de vulnérabilité. Par
manque d’élément de comparaison on assimile comme une éponge l’esthétique de
l’époque, pour le meilleur et pour le pire, et alors que nos gouts se font de
plus en plus construits et réfléchis à mesure que les années passent, on garde
souvent cette petite faiblesse pour les mélodies de notre enfance.
Le monde de la culture est une spirale, si en apparence on
tourne en rond, et beaucoup d’artistes se construisent sur les épaules de leurs
ainées cannibalisant riffs, structures et mélodies, quand on change de
perspective on voit qu’il y a heureusement une dimension ajoutée. Peut-être que
c’est mon conditionnement qui parle mais en terme de récurrence les années 80
me semblent revenir sans cesse, globalement comme dans le détail. De Taylor
Swift à Grimes en passant par Arcade fire, finissent par faire un crochet par
ces années fluorescentes. Un petit pillage et ça repart. D’autres groupes ont
fait de cette période leur fief et limitent leurs horizons à cette décennie. Il
y a même un courant musical entièrement dédié à cette nostalgie devenue style
de vie : la retrowave.
Dans les confins du genre, affinant leurs mélodies et leur
maîtrise des machines, des artistes ont pu se développer album après album,
puis arrive un moment ou le terrain de jeu menace de devenir une cage
étouffante. La gestuelle jusqu’ici légère est guettée par la répétition de
trop.
Après des albums parfaitement maîtrisés, the Midnight et
index code deux figures fortes du genre, chacun dans son pays, chacun à son
échelle, se retrouvent pour leur dernière production (« Nocturnal »
pour le premier et « Nostalgia » pour le second) peut être deux pas
après le sommet de leur art. Arrivé au sommet à moins d’avoir les yeux fixé sur
un ailleurs et de nouvelles hauteurs j’ai peur qu’ils ne se retrouvent par la
suite à gâcher leur talent en tournant en rond.
A mon avis ce problème ne se limite pas à la seule
retrowave, tout artiste après avoir peaufiné son approche doit apprendre à
l’abandonner pour passer à autre chose, ou s’il préfère mettre un peu moins de
radicalité dans son évolution, il doit vivre de nouvelles choses, se nourrir
d’autres sources, pour pouvoir faire le pas de côté nécessaire et envisager la
suite avec un peu de neuf dans le regard.
Alors que dire de « Nostalgia »? C’est un EP
chouettement produit, avec de très bons moments. J’ai l’impression que la
production massive finit par étouffer une certaines sensibilité et oblige Index
code à jouer des muscles de manière un peu trop systématique et donc à des
endroit ou un peu de douceur aurait pu être bienvenu. Pour moi le cœur de ce troisième
EP c’est le morceau « Fragile » où Emanuel Allier, l’artiste derrière
le projet Index Code tombe les armes et montre qu’il en a encore beaucoup sous
le pied.
Pour moi cet EP ferme de manière presque gracieuse un
chapitre pour l’artiste, qui est arrivé au bout du fil conducteur qui lie ces
trois formats courts. Emanuel Allier qui n’est pas à son premier changement de
peau et de projet a la culture, la ressource et le cœur nécessaire pour pouvoir
nous emmener la prochaine fois vers un autre ailleurs. Je suis très curieux de
savoir quel sera sa prochaine direction, et en attendant je vais m’écouter de
nouveau cet EP fort sympathique et je vous conseille d’en faire autant.
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