Pour la première des règles de
son second ouvrage Jordan P. Peterson ne se perd pas dans les détails, il va
droit à l’essentiel et donne un mot d’ordre sur lequel s’appuiera toutes les 11
autres règles. On se redresse, et on fait face à la vie. Quoi qu’il advienne, aussi
dure, absurde ou injuste qu’elle puisse paraître on la prendra et on l’affrontera
comme des hommes debout.
Dans l’ouvrage, l’auteur propose
un mélange savamment dosé d’expériences personnelles, de cas observé dans sa
pratique de psychologue clinicien, de sagesse bibliques distillée à travers l’alambic
Jungien, de biologie et d’autres petites touches épicées. Dans ce chapitre on
retiendra surtout un chouette morceau d’éthologie : homards et hiérarchies.
Disposant d’une conscience
limitée les animaux manifestent leur nature fondamentale sans filtre moraux.
Après des millions d’années d’évolution ils ont développé des stratégies
particulièrement performantes pour s’organiser et survivre. En observant leur
monde, l’homme a beaucoup à apprendre sur lui-même et sur ses propres
instincts. Certes on est plus évolués, et la branche de l’évolution qui mène
jusqu’à nous a bifurqué il y a de ça des centaines de milliers d’années, certes
il faudra faire bien attention avant de dresser des parallèles entre leurs
gestes et les nôtres mais ils présentent des images fortes presque archétypales
et dans lesquelles on pourra facilement se retrouver.
En accumulant les observations
Darwin puis une bonne partie des biologistes qui ont suivis ont créé puis
raffiné la théorie de l’évolution dont un des tenant est que les individus
étant les plus aptes par leur comportement et par leurs dispositions physique
perdurent et disséminent leur capital génique au dépends d’autres moins
adaptés. Les homards ne font pas exception. Devant souvent se partager un
territoire et des ressources limitées, et ils ont durant les 350 millions d’années
de présence sur terre (pour donner un ordre d’idée les dinosaures ont disparu il
y a 65 millions d’années) développé une stratégie / rituel très stables.
Quand de deux ces crustacés se
disputent un territoire, ils s’évaluent de manière pacifiste et si la
différence de tailles entre les pince est notable, le plus faible va voir
ailleurs. S’ils avaient dû lutter il se serait fait tuer ou blesser, là il a
encore une chance de trouver un endroit où s’établir avec son corps intact. Dans
le cas où la différence n’est pas notable pour clarifier lequel des deux est le
plus fort, ils vont se tourner autour, montrer leurs capacités, puis
éventuellement lutter gentiment (pinces fermées) et si ça ne suffit pas, là ils
iront à fond avec les risques que ça peut provoquer.
Ce qui suit l’affrontement est
des plus intéressants, le gagnant verra son taux de sérotonine monter et le perdant verra le sien
descendre. Cette hormone agit sur la posture et la combattivité de ces
crustacés, plus le taux est élevée plus le homard va s’étirer pour paraitre
menaçant, et se battre plus vaillamment. Autrement dit le gagnant aura plus de
chance de gagner la fois suivante et le perdant aura plus de chance de
perdre. Ce qui aboutit à une répartition
hyperbolique du territoire : les dominants récupèrent les bons coins, le
reste la majorité des homards, les bêtas, se partagent les miettes.
Les femelles iront naturellement
vers les alphas, pour que la prochaine vague puisse survivre, il vaut mieux qu’elle
ait les meilleurs gènes et les meilleures conditions pour se développer.
Et nous dans tout ça ?
Certes on n’a pas de pince, et
on ne vit pas dans l’océan mais notre réaction aux variations du taux de sérotonine
se baladant dans notre cerveau est très proche de celle des Homards. Quand
notre taux descend on perd en combativité, on est dépressif, battu d’avance par
l’adversité sous toutes ses formes, alors que lorsque notre taux est haut on a
une attitude plus positive. Ce n’est pas que notre pugnacité qui est affectée,
les problèmes font tache d’huile, et on observe qu’avec un taux faible il y a
plus douleur, d’anxiété, de maladie, la vie se raccourcit.
Parallèlement quand un humain
est au top, la vie va renforcer ça, elle lui présentera plus d’opportunités,
les gens se battrons pour lui rendre des services, vous aurez le réflexe
naturel pour faire ce qu’il faut pour maintenir votre statut, vous saurez quoi
faire de votre argent, vous mangerez mieux, habiterez dans des endroits propres
à vous mettre de bonne humeur. A contrario, au fond de la hiérarchie, vous
vivrez dans les pires endroits, mangerez la pire des nourritures, vous serez en
état d’alerte permanente car les problèmes vous collerons à la peau et du coup
vous allez vite fatiguer, avoir des problèmes de santé et aurez tendance à agir
de manière impulsive. Quand vous aurez un peu d’argent, vous ne serez pas
équipé pour bien le gérer, et l’utiliserez pour faire n’importe quoi. Les
opportunités d’avoir du plaisir seront peu nombreuses et vous aurez
tendance à vous jeter dessus même si
elles sont dégradantes voir illégales.
Etre en bas de l’échelle, c’est
un peu l’enfer sur terre, mais contrairement aux homards on peut utiliser notre
cerveau pour améliorer notre position. Réguler
notre alimentation et notre sommeil peut déjà changer dramatiquement la donne.
Généralement en bas de l’échelle les gens ont tendance à être pris dans des
cercles vicieux qui les immobilisent ou accentuent leur chute. Ceux-ci peuvent être
externes : mauvaises fréquentations, consommations de stupéfiants (dont
alcool) , mais aussi internes comme des syndromes posttraumatiques : les
abus, les défaites tournent en boucle dans la tête des victimes. Pour remonter
à la surface il faudra souvent se faire aider d’un professionnel de la santé
physique ou psychique.
Un élément qui peut entraver
notre ascension c’est l’incapacité à se battre, non pas en raison d’une tare physique
mais d’un très mauvais conditionnement psychologique souvent dû à des croyances
puériles : « l’agressivité c’est mal », « les gens sont
gentils », « si je fais ce qu’on me demande les autres prendront soin
de moi, de mes désirs et me protégerons ». Si on laisse ses idéologies à
la maison et qu’on sort à l’extérieur observer le monde, on aura vite fait de
se débarrasser de ces croyances suicidaires. Pas besoin d’aller se frapper avec tout le
monde, mais montrer par votre attitude physique que vous êtes prêt à vous
défendre, vous et ce qui vous appartient changera radicalement la manière dont
les gens vont vous considérer et vous traiter.
Et au fait « Tiens-toi droit, les épaules bien en arrière », qu’est-ce que ça vient faire dans l’affaire ?
Cette posture c’est celle d’une
personne au sommet plus que celle d’une personne en bas qui a baissé les bras,
mais c’est aussi plus que ça. C’est une déclaration d’intention, c’est un
symbole, un premier pas dans la bonne direction. Un pas à la portée de tous.
Se redresser, c’est montrer
que quoi que la vie nous propose on est prêt à relever le défi, on prend la
responsabilité de sa propre vie. On n’est plus en train de ramper, on se
redresse, on redevient visible, on est vu et surtout on est mieux vu. En
inversant la tendance, les gens nous traiteront mieux et avec ce traitement
notre confiance en nous sera consolidée. On entamera un cercle vertueux, plus
exactement un escalier en colimaçon qui nous permettra de laisser le fond loin
derrière nous.
Commentaires