« La connaissance c’est le pouvoir. »
A l’ère de l’information, alors que l’on a une quantité astronomique
d’informations aux bouts des doigts, on devrait être tous des génis tout
puissants, hélas ce n’est vraiment pas le cas. Par moment j’ai l’impression
qu’entre les experts un brin déconnectés et les moutons, encartés d’une manière
ou d’une autre, l’entre deux est sacrément dépeuplé.
A l’école, en tout cas jusqu’au bac, on est
généralement dans une logique boulimique : ingurgitation/régurgitation de
la sainte parole du prof/expert, il n’y a pas vraiment de place pour une réelle
digestion. La seule matière où l’on demande des fois à l’élève : « et
toi qu’est-ce que tu penses ? » en lui donnant une véritable tribune
pour s’exprimer est la philosophie mais, là encore, en raison de contraintes de
programme, le professeur passe son temps à faire du gavage d’oie en fourrant
dans la gorge des élèves un maximum de concepts et de morceaux de bravoures
ayant jalonnés l’histoire de cette formidable matière.
On attend avant tout de ceux-ci qu’ils
témoignent de leur personnalité à travers le choix des paroles des experts
invoqués.
Si certains professeurs poussent un peu plus
leurs élèves vers l’expression personnelle, ils ne donnent pas nécessairement
les outils pour faire fleurir celle-ci. Les élèves de terminales se retrouvent
à enfiler des platitudes pendant une demi-douzaine de dissertations avant
d’abandonner la matière une fois le bac derrière eux. Le vide abyssal observé
dans la plus part des compositions est totalement prévisible, penser ça ne
s’improvise pas, il faut d’abord être médiocre, affuter sa pensée et
l’expression de celle-ci pendant souvent des heures, des semaines, des mois,
des années avant d’être capable d’articuler de manière cohérente quelque chose
de pertinent.
Ou là, ça sent le roussit ! Des années
d’entrainement… mais je n’ai ni le temps ni la motivation de faire ça alors que
Netflix et Fortnite me tendent les bras… pourquoi est-ce que je m’imposerai
ça ? Autour de moi, les gens raisonnent comme des calebasses vides mais ne
pensent pas et n’ont pas l’air plus malheureux que ça.
Si le monde offert à nos sens peut nous procurer une grande variété
d’expériences et de vécu, un axe fondamental le traverse de part en part, celui
de la concurrence[1].
Concurrence entre les idées, les idéologies, les personnes… On n’a pas le temps
de tout étudier il faut choisir ses domaines, ses auteurs. Une entreprise ne
peut pas employer tout le monde, si un emploi vacant vous intéresse il y a fort
à parier que vous ne soyez pas le seul à postuler. A CV égaux ça va se jouer en
entretient et il vous faudra démontrer que c’est dans l’intérêt de l’entreprise
de vous embaucher et non pas vos concurrents. ET ça vous le ferez grâce à votre
maitrise du langage, de la logique. Vous pouvez embrouiller un manager de chez
mac do avec votre gouaille mais plus haut vous viserez plus la maitrise de la
pensée et surtout de son expression vous sera utile.
On vit dans un monde d’informations et
d’idées : nos croyances filtrent et organisent ce que nos sens captent du
monde. Dans notre cerveau, dans nos cellules nerveuses : un peu de chimie
et beaucoup de signaux électriques, autrement dit des informations, en veux-tu,
en voilà.
Nos croyances statiques (fondamentales : valeurs,
interprétations du monde) et dynamiques (la manière dont vous interprétez
l’information à l’instant t) nous motivent dans vos actions et nous permettent
de faire des choix. Il y a en arrière-plan une guerre d’idées pour notre vote,
nos choix de consommation. Celle-ci peut être claire et directe comme lorsqu’un
homme politique vous explique son programme, elle peut être complètement cachée
comme quand dans les films on vous glisse tout doucement une idéologie dans le
cortex.
Sans connaissance du monde et de son
fonctionnement, sans connaissance des principes de base du fonctionnement du
cerveau et de la psychologie humaine, sans culture, sans capacité à chercher
les faits, on est particulièrement vulnérable.
On a beaucoup reproché à Facebook de provoquer
des chambres d’écho. Comme beaucoup d’autres sites commerciaux des algorithmes
prédictifs analysent vos choix et « likes »
passés et vous proposent des articles, vidéos, publicités « qui pourraient
vous intéresser. » Si vous êtes de droite, on vous proposera des
informations de droite etc. Alors, Facebook = prison mentale ?
Oui, cette application peut l’être, mais il n’y
a rien de ce qu’elle fait qu’on ne se fasse pas soi-même. Naturellement, on va
avoir tendance à chercher des gens qui nous ressemblent et qui pensent comme
nous. Rares sont ceux qui dans un groupe apprécient d’être le vilain petit
canard.
Etre plongé dans un monde qui ne nous ressemble
pas est particulièrement stressant, mais c’est aussi formidablement
intéressant. Les gens qui pensent autrement, qui votent autrement, sont des
gens avant tout. Ce sont des adversaires politiques, peut-être, mais pas des
ennemis[2]. Se
mettre à leur place, coller à leur point de vue, c’est enrichissant d’un point
de vue humain et dans le cadre d’un débat d’idée ça vous permet de venir préparé.
Ces échanges, ces « je marche quelques heures dans leurs chaussures »
nous permettent de gagner en perspective et on peut mieux comprendre les
ornières, et les faiblesses de notre propre pensée.
Pour
terminer, après un monde de concurrence et de lutte un monde, voici une
perspective plus « positive » : enrichir sa pensée s’est
enrichir sa vie.
Non
seulement on sort du petit précarré dans lequel on s’enferme si naturellement,
on s’affranchir d’idéologies destructrices, mais en plus et surtout on voit sa
curiosité décuplée. Notre intérêt fait tache d’huile, et bien des domaines vont
devenir bien plus intéressant pour nous. On peut basculer de la philosophie à
la politique puis à l’économie et de là s’intéresser à la sociologie etc. Peu
de choses existent en vase clos, le monde est une grande maille où tout est
interconnecté. Autant la haine et des sentiments non réglés peuvent se répandre
et pourrir notre vie, la rentre plus petite, autant l’amour de la connaissance
vas aussi rayonner dans la sphère des idées pour éclairer toute notre vie.
[1] Voici
une affirmation qui risque d’amener bien des « progressifs » à la
limite d’une crise d’apoplexie. La compétition ça n’est pas sale, au contraire
c’est une force primale qui nous pousse à nous dépasser. On la retrouve dans la
plus part des espèces, et ce chez les deux sexes, tempérée souvent par d’autres
approches plus « acceptables » comme la coopération.
[2] pour les ennemis (les gens en guerre
contre l’occident, les meurtriers, les violeurs, les pédophiles, … ça nécessite
un autre article.
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