Art postal / retraite créative
Fière guerrière, armée de son seul stylo,
la belle Marianne est prête à en découdre.
De sa verve acérée elle tire un trait.
Toi mon ennemi, d’une formule lapidaire,
je fais de toi chose du passé.
Et si jamais un jour à court d’idée elle se trouvait
telle la seiche dans un nuage de son encre
elle pourra toujours se cacher
Toutefois, par moment, un horizon dépourvu d’ennemi,
la pousse à trouver d’autres intérêts à l’arme déjà
dégainées
Les traits se font moins acérés
Ils trouvent même rapidement
un peu de sensualité, puis beaucoup
Ils ondulent et dansent élastiques
Plutôt que de couper et discriminer,
ils évoquent et créent.
Plutôt que de dire, ils font vivre.
Et la page ainsi fécondée s’épaissie de tant d’histoires,
qui ne demandent maintenant plus qu’à être racontées.
Repas de famille
Les liens du sang au confluent
On se sent pointe de l’épée
Là où viennent s’appuyer tant de lignées
Amour et loyauté pour ceux qui nous ont
donné la chance d’exister
Merci pour leur souffle qui a gonflé nos ailes
Et qui nous a poussé vers l’avant
Tout droit dans le prolongement
Tout droit dans cette culture commune
Un ciel entier, grand et affolant de tous les côtés
Et pourtant tout droit encore ils nous poussent à aller
Envie d’ailleurs de virage et d’espace
De s’aventurer autour de la ligne droite
Mais pas maintenant
Pas à cette table
Ici on mange et on se refait
On se sustente du pain et du passé
Et de tant de sagesse réunie et partagée
Et dans une heure, somnolant d’une panse bien pleine
En appui sur leurs épaules amassées
On regardera au loin et on se laissera rêver
Tentative élégiaque
Marie regarda une dernière fois la photo fanée
Et caressant du regard ce portrait de famille
Centré sur son regretté Paul alors petit enfant
Elle fut envahie par les mots oublié de celui-ci
Il n’avait pas de nostalgie
pour ces années passées à la ferme
au milieu de trois générations de paysans
Citadin jusqu’au bout de ses ongles manucurés
Il n’avait que mépris et aversion
Pour ce vivre ensemble , cette communauté
Cette vie rythmée par les saisons et les aléas du temps
changeant.
Si seulement il en avait pu être autrement
Ah si seulement elle avait pu gouter réellement l’atmosphère
de la ferme.
Mais surfant sur l’aigreur de son Paul
Pour avoir été trainé là alors qu’il aurait été
tellement mieux dans son hotel particulier
Ils n’avaient fait que traverser
Et maintenant que Paul en avait fini avec la vie
Il l’avait laissé seule sans futur ni passé
Une vie stérile à accumuler
Entourée de jolies choses et de regards guindés
La disparition soudaine de l’aimé avait signé l’ouverture
de la saison des regrets
Derrière les lourds rideaux tirés
Toute la journée revisitée par les occasions ratées
Elle conversait avec les fantomes de ce qui aurait pu
être
Elle ne du son second départ
et la mise de tous ces miasmes
et cette mélancolie au placard qu’au retour d’une autre
catégorie de souvenir
ceux de l’esprit brillant qu’il avait été
Paul, son verbe, sa langue acérée,
Il avait été un égal ou presque
Un des rares hommes à pouvoir la suivre
Capable de la comprendre et d’apprécier la finesse de ses
idées
Oui il était dur
Oui il avait tiré un trait et banni une bonne partie de
son passé
Mais avec lui la vie n’avait jamais manqué d’intérêt
Ils s’étaient bien amusés
Alors à quoi bon se lamenter dans de vaines
sentimentalités
Elle avait été son soleil et lui sa lune
Et à cet age avancé
Rester et se lamenter en regardant le monde tourner…
Non, non, non elle avait encore du feu et de l’allant
C’était décidé
Elle finirait comète scintillante ou étoile filante.
Trinquons aux
repas de famille
Dans les repas de famille
Il y a à boire et à manger
Mais quand c’est bon
Qu’est-ce que c’est bon !
C’est le genre de plaisir que l’on n’invente pas
Alchimie subtile
Toile finement tissée des décennies durant
Grandir ensemble
Pouvoir se disputer pour de vrai, de tout son cœur
Tout en sachant que l’on pourra se retrouver
Ça va bien au-delà de simples affinités
Et de ces amis parfaits sur le papier
Et quand ce n’est pas parfait
Et quand ça se déchire
Quand on se réunit mais qu’on ne sait plus communiquer
Il y a quelque chose de magnifique
Dans ce théâtre tragique
Et cette valse de cœurs écorchés
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